La définition la plus large du beau nous a été donnée par Aristote « ce qui réunit la grandeur et l’ordre ». Des formes de désordre peuvent-elles générer le beau ? L’ordre s’oppose-t-il au désordre ou s’associe-t-il à lui dans la perception du beau ? Ce travail joue avec la présence insistante d’un équilibre entre ordre et désordre. L’ordre donne du sens, un sens subjectif qui parle à l’observateur, le touche et génére le sentiment du beau. Le désordre désoriente, déstabilise, brouille la lecture du beau cependant lui donnant du relief et une réalite sur la toile. Au XX siecle, la forme des visages et des corps s'éloigne des canons de la beauté mais souligne la réalite du monde et sa diversité. Dans le désordre apparant, les techniques picturales héritées du siècle dernier dépassent leurs créateurs (Jackson Pollock, Jasper Johns) et leurs représentations et s’installent dans une logique dont le rythme est donné par le temps et le sens par l’Histoire. Le temps matérialisé par le compte ou le décompte (On Kawara) de valeur numérique nous rapproche de l’ordre et permet d’apporter des repères nécessaires à la comprehension du beau. Le beau, intemporel y trouve toujours une place de manière désintéressée et universelle. La naissance d’internet a révolutionné notre accès à l’information et surtout à l'image, serait-ce là un ordre nouveau. Pourtant la représentation d’internet, enchevêtrement d’une multitude de connections, d’adresses disponibles ou indisponibles laisse apparaître un désordre total. Le beau, champ d'exploration d'un ordre désordonné ou tout semble se jouer dans l'équilibre instable de l'ordre et du désordre.
Pierre Bourgeade